CONSTRUIRE UN FEU

mai 2007, théâtre de l’Usine, Genève

Texte de Jack London
Edition Actes Sud, 1995 – Traduction Christine Le Boeuf

Un projet théâtral de et avec Jean-Louis Johannides / Cie En déroute

Mise en scène, Anne-Cécile Moser
Scénographie, Loïc Martin
Lumière et vidéo, Laurent Valdès
Image sonore, André Décosterd
Collaboration artistique, Eva Cousido
Administration, Sandrine Jeannet

Théâtre de l’Usine, Genève
du 21 novembre au 2 Décembre 2007

Théâtre 2,21, Lausanne
du 11 au 23 décembre

Théâtre Bacchus, Besançon
le 22 janvier 2008

En parallèle:
Un cycle de films autour du Grand Nord au cinéma Spoutnik, Genève
Une conférence de Jean Malaurie, en collaboration avec le MEG (Musée Ethnographie de Genève)

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Alaska, – 50 C°. Un homme traverse l’immensité silencieuse du Grand Nord, suivi de son chien, son seul compagnon. Face à eux: le blanc absolu d’une nature splendidement sauvage et implacable. Le voyageur commet une erreur qui lui sera fatale.

Ce récit d’aventure est une des plus puissantes nouvelles de Jack London. Inspiré des histoires vraies des chercheurs d’or dans le Klondike, Construire un feu agit comme une fable initiatique d’où surgit la poésie féroce de l’Arctique. Sous la fulgurance des mots, cette odyssée solitaire éclaire le rapport complexe de l’homme à son environnement et à lui-même.

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Presse

Le Courrier, 11 Décembre 07 
Dominique Hartmann

Le jour commence, un homme traverse le Grand Nord par –50 degrés, seul. Si tout va bien, quand le soleil masqué aura achevé sa course dans le ciel, il aura rejoint le camp, où il trouvera chaleur et nourriture. D’après Jack London, Construire un feu, à voir jusqu’à dimanche au Théâtre de l’Usine dans la mise en scène sobre et évocatrice d’Anne-Cécile Moser, raconte magnifiquement la confrontation d’un homme avec un environnement aussi implacable qu’un dieu grec. Un cercle de lumière perce l’obscurité du plateau. Le comédien (excellent Jean-Louis Johannides) y pénètre, comme un boxeur sur le ring. Il attaque le récit et entame sa marche, à grandes foulées stylisées. Néophyte dans cet univers sans pitié, l’homme a négligé d’écouter les conseils du vieil Indien qui lui enjoignait de ne pas partir seul et son instinct est défaillant: il est doublement nu face à une nature impitoyable. « Il était un nouveau venu dans la région (…) et c’était son premier hiver. Ce qui lui faisait défaut, c’était l’imagination. Il avait l’esprit vif et avisé quant aux choses de la vie mais seulement aux choses, pas à leur signification », poursuit le comédien. C’est ce manque d’imagination – retrouvée à la toute fin – qui mettra l’homme à la merci de son environnement. Car le froid extrême le met en péril constant: se mouiller les pieds dans un ruisseau peut lui être fatal, sortir à main nue les allumettes de sa poche pour « construire un feu » est un combat interminable quand chaque seconde compte contre l’engourdissement du froid. Dans cet univers sans pitié, une simple erreur menacera son existence. Le chien qui l’accompagne, lui, est guidé par un instinct si lucide qu’il semble proche de l’intelligence. C’est lui qui se « sent déprimé » ou qui « veut du feu ». Entre l’homme et l’animal s’instaure une relation étrange.

Evoquer sans jamais illustrer

La mise en scène d’Anne-Cécile Moser, qui se passe élégamment de réalisme sans renier la violence de l’histoire, donne au récit de Jack London l’envergure d’un questionnement universel. Elle suit en cela l’intention de l’écrivain: s’inspirant des récits des chercheurs d’or du Klondike, l’auteur supprimait de la version de 1908 le nom de l’homme. En lui adjoignant un chien, il questionnait aussi son humanité. Son écriture dépouillée et vigoureuse résonne avec une netteté de glace dans l’espace épuré de tout décor. Hormis une goutte de glace qui grandit à chaque phrase et pèse d’un poids funeste et lumineux sur le plateau.

24 Heures, 13 décembre 2007
Corinnne Jaquiéry

Inexorable limpidité d’un destin

Dans un décor épuré, froid comme une stalactite, Anne-Cécile Moser met superbement en scène Jean-Louis Johannides, héros poignant de Construireun feu, écrit par Jack London. Marchant au milieu d’une étendue glacée aux confins de l’Alaska, un homme avance, poussé par un orgueil destructeur.
(…)
Fable initiatique, Construire un feu, de Jack London, est aussi la métaphore d’une vie que l’on ne peut réussir seul. Dans une mise en scène dépouillée de tout artifice, hormis l’effrayant gonflement d’une goutte d’eau suspendue au plafond, Anne-Cécile Moser a su mettre en évidence la force de la nature face à la pitoyable vanité de l’homme.
(…)
Sans jamais réellement s’adresser aux spectateurs, Jean-Louis Johannides parvient à les entraîner dans son thriller glacé. Et si son visage épargné par les griffures du temps pouvait faire douter de la vérité du personnage, son talent en impose l’authenticité. On sent le froid piquant. Et l’eau, cause de gelures irrémédiables, se fait de plus en plus menaçante…

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Extraits

p. 11 – 12

Un chien trottait sur ses talons, un gros chien de traîneau indigène, véritable chien-loup à la robe grise que rien, dans son aspect ni dans son caractère, ne différenciait de son frère le loup sauvage. L’animal se sentait déprimé par ce froid terrible. Il savait que ce n’était pas un temps pour voyager. Son instinct lui parlait plus juste qu’à l’homme son jugement d’homme. En réalité, il ne faisait pas seulement plus froid que moins cinquante ; il faisait plus froid que moins soixante, que moins soixante-dix. Il faisait soixante-quinze degrés au-dessous de zéro, cela représentait cent degrés de gel. Le chien ignorait tout des thermomètres. Peut-être n’y avait-il dans son cerveau nulle conscience précise d’une froidure extrême. Mais la bête possédait un instinct. Oppressée par une appréhension vague et menaçante, elle filait doux sur les talons de l’homme en guettant avidement son moindre geste insolite, comme si elle s’attendait à le voir établir un campement ou chercher quelque abri et allumer un feu. Le chien avait appris le feu, et il voulait du feu, ou alors creuser la neige pour y blottir sa chaleur à l’abri de l’air.

p. 15

Si vide qu’il eût l’esprit, l’homme observait avec une attention intense les divers aspects du ruisseau, ses méandres et ses crochets, ses amoncellements de bois mort, et toujours il surveillait avec soin les endroits où il posait les pieds. A un moment, juste après une courbe, il broncha soudain, tel un cheval effrayé, s’éloigna de l’endroit où il venait de marcher et recula de plusieurs pas sur la piste. Le ruisseau, il le savait, était gelé jusqu’au fond – aucun ruisseau ne pouvait contenir d’eau dans cet hiver arctique – mais il savait aussi qu’il existait des sources qui jaillissaient des berges et couraient sous la neige, par-dessus la couche de glace. Il savait que même lors des plus grands froids, ces sources ne gelaient jamais, et il en connaissait le danger. C’étaient des pièges.

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version itinérante

Mise en scène et jeu: Jean-Louis Johannides
Univers sonore: Edmée Fleury

Construire un feu itinérant est né à la suite de la création de Construire un feu en salle.

 

L’envie était de continuer à faire vivre ce texte dans une forme plus légère et dans des lieux nécessitant une marche d’approche, donc une autre mise en condition (physique et émotionnelle) pour entendre une histoire. Les « spectateurs » marchent une ou deux heures dans la neige et dans la nuit pour les hivernales, ou dans les pâturages à la fin du jour pour les estivales avant d’entendre le texte de London. Il y a une approche, une mise en situation par le lieu qui prédispose à une autre écoute.

La rencontre entre Edmée Fleury et Jean-Louis Johannides et leur intérêt commun pour les grands espaces ont concrétisé cette envie.

dates version itinérante

15 décembre 2009, théâtre ABC, Chaux-de-Fonds
décembre 2009, Théâtre de la Tournelle, Orbe
décembre 2009, Auberge du Van-d’en-bas, Valais
4 décembre 2009, Cabane Rochefort, La Givrine
22-23 août 2009, Chalet du Mont de la Maya, St-Croix
juillet 2008, Gîte de Dorbon, Derborence
février 2009, Gîte de la Ronde Noire, Jura

 

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